Films

Cuba en Courts 2024

Une sélection de courts métrages cubains présentés au Festival du film de Clermont-Ferrand (Marché), février 2024.

Le stand dédié au cinéma cubain, Cuba en Court, est de retour au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand avec une sélection de douze films. Grâce au soutien de l’Ambassade de France à Cuba, par le biais de son Fonds de Solidarité pour les Projets Innovants (FSPI) et au travail lancé par Iroko.org, plateforme de diffusion du cinéma cubain, nous avons réuni ces œuvres qui s’inscrivent pleinement dans notre manière de percevoir le nouveau cinéma cubain : transnational, divers, critique et personnel.

Parmi la sélection, on retrouve des noms d’auteurs et d’autrices connus comme Heidi Hassan, Alejandro Alonso et Ariagna Fajardo. Douze courts métrages où les frontières formelles qui séparent la fiction et la non-fiction se diluent à travers l’exploration de nouveaux gestes esthétiques et de production. Les frontières territoriales se brouillent aussi par le biais d’un cinéma de la diaspora qui repousse les limites de la définition identitaire.

Les films investissent des espaces ruraux déjà bien connus dans l’imaginaire cinématographique de l’île, mais ils sont cette fois racontés par les voix et regards du collectif LGBTIQ+ dans Jíbaro (Réal. Osmanys Sánchez Arañó) lancé au Festival du Cinéma Invisible 2023, Matar a un hombre (Réal. Orlando Mora), et Mancha (Réal. Jazz Martínez Gamboa) qui a participé à l’espace de co-production La petite fabrique en 2023. Un autre film, Cuando el viento (Réal. Lisa María Velázquez), aborde le thème délicat de la violence intra‑familiale.

La sélection de cette année se caractérise par un souci porté à la captation du présent, envisagée de deux manières particulières. D’un côté, les films Al final del camino (Réal. Ariagna Fajardo), présenté au 44e Festival International du Nouveau Cinéma Latino-américain de La Havane, et En San Isidro (Réal. Katherine Bisquet). Tous deux, tournés dans l’urgence de la crise économique et politique à Cuba, nous plongent dans un cinéma militant, mû par son besoin de montrer les conflits actuels les plus pressants et par la récupération de la mémoire immédiate à travers un portrait direct et personnel, en marge du discours cubain officiel. D’un autre côté, les films La historia se escribe de noche (Réal. Alejandro Alonso) présenté à l’IFF Rotterdam, et Souvenir (Réal. Heidi Hassan) reviennent au portrait personnel, qui prend des airs d’archive du fait de la distance qu’implique la migration, pour réécrire le déracinement et la perte de la terre natale ; ou, pour formuler les questions que -depuis la critique adressée au regard romantique de l’étranger- nous nous posons pour mieux nous expliquer.

Un autre film, Example #35 (Réal. Daniel D. Saucedo, Lucia Malandro), présenté à Jihlava 2022 et qui a eu un beau parcours dans des festivals internationaux comme le FICValdivia et True/False 2023, fouille les archives judiciaires cubaines afin de raconter les histoires marginalisées des anticonformistes et des dissidents.

Un personnage principal se détache de cette sélection : la jeunesse. Une jeunesse parfois immobile, parfois active et en désaccord, qui danse pour oublier comme dans Teteo (Réal. Aurora D’Errico Prat), -unique film réalisé par une cinéaste étrangère ; qui aime de diverses manières et surtout, qui aime avec nostalgie, comme dans To all the girls I could’ve loved before (Réal. Adolfo Mena Cejas), ou qui, comme dans Futuro (Réal. Amanda Cots, Ángel Suarez), attend le moment du départ au milieu d’un calme relatif, annonciateur de tempête.

Cuatro Hoyos (Réal. Daniela Muñoz Barroso) est le film cubain entrant cette année dans la Sélection Officielle du Festival International du Court métrage de Clermont-Ferrand, après sa première diffusion au IDFA. L’on ressent dans ce film toute la force du nouveau cinéma cubain : la rencontre avec l’autre, l’espace rural ou éloigné de la ville, la migration, les questions adressées au passé et au futur, ce qu’il se passe hors champ et qui nous interpelle en renouvelant le regard et le lieu de l’émotion.

Reprenons quelques images de ce court métrage. Sur une terre aride de Castille, transformée en terrain de golf, José Corrales se prépare à effectuer un swing. Avant cela, il adresse un regard-caméra, derrière ses lunettes noires et dit : « Je te la dédie ». Il s’adresse à Daniela Muñoz, la réalisatrice cubaine qui est derrière la caméra, pendant que nous assistons à ce qui se joue dans l’image cinématographique.

Cuba en Court, en réunissant ces films, garde à l’esprit l’importance que revêt la visibilisation du (nouveau) cinéma cubain dans les espaces cinématographiques internationaux les plus prestigieux. Nous mènerons sur le stand diverses actions visant à connecter les cinéastes et les professionnels de l’industrie. Le point d’orgue sera la projection marché qui se tiendra le jeudi 8 février à 16h au Théâtre Georges-Conchon. Vous pourrez y voir Souvenir, To all the girls I could’ve loved before, Cuando el viento, La historia se escribe de noche et Futuro.

Depuis l’écran de cinéma, les visages de leurs personnages nous scrutent avec la même curiosité que le vieux golfeur José Corrales, semblant à leur tour « nous dédier » leur incertitude et leur voyage vers la maturité.

Carla Valdés León (traduction: Magali Kabous)